Les rituels du couple dans la Bible

Les rituels sont des gestes, des paroles, des attitudes dont la fonction principale est de renforcer le sentiment d’appartenance à un groupe, et dans le cas présent au couple.

La Bible ne propose pas une liste explicite et normée de « rituels du couple » au sens moderne du terme. Pourtant, elle déploie une vision profondément rituelle de la relation conjugale, comprise comme une alliance (en hébreu « berît »), inscrite dans le temps, le corps et la parole. Ces rituels ne sont pas seulement cultuels : ils structurent le quotidien, fondent l’identité du couple et permettent sa transformation au fil de l’histoire.

1. Le rituel fondateur : l’alliance conjugale

Le premier rituel du couple biblique est celui de sa fondation. Dès le récit de la création, la relation homme–femme est décrite comme un passage décisif, marquant une rupture et une reconfiguration des appartenances :

« C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. » (Genèse 2,24)

Ce verset fondamental présente une dynamique rituelle en trois temps : quitter, s’attacher, devenir une seule chair. Il s’agit d’un rite de passage, qui institue le couple comme une nouvelle réalité relationnelle et sociale.

Cette alliance est confirmée et reconnue par la communauté à travers des paroles de bénédiction, dont la portée est performative.  En effet, l’alliance conjugale, dans la tradition biblique, n’est pas seulement un lien privé entre deux individus, mais une réalité relationnelle reconnue et instituée publiquement. Cette reconnaissance s’opère notamment à travers des paroles de bénédiction prononcées par la communauté ou ses représentants. En ce sens, ces bénédictions relèvent d’un rituel performatif : elles inscrivent l’alliance conjugale dans un ordre symbolique, social et théologique, sous le regard de Dieu et de la communauté.

La bénédiction publique inscrit le couple dans une histoire, une descendance et une mission. Ainsi, dans le livre de Tobie, le mariage de Tobie et Sara est reconnu par le père de la jeune femme, devant témoins :

« Ragouël appela sa fille Sara, la prit par la main et la donna à Tobie en disant : “Reçois-la selon la Loi de Moïse.” » (Tobie 7,13)

Puis le mariage est scellé par une bénédiction et un acte écrit :

« Que le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob soit avec vous ; qu’il vous unisse et répande sur vous sa bénédiction. » (cf. Tobie 7,12–13)

La parole du père, devant témoins, fait advenir l’alliance conjugale.

2. Les rituels du quotidien : stabilité et fidélité incarnée

L’alliance conjugale se déploie ensuite dans le quotidien partagé, fait de gestes répétés, d’habitudes et de responsabilités communes. La Bible accorde une grande importance à cette dimension ordinaire de la vie conjugale.

Le livre de l’Ecclésiaste invite à reconnaître la valeur spirituelle de cette fidélité quotidienne :

« Jouis de la vie avec la femme que tu aimes, pendant tous les jours de ta vie vaine que Dieu t’a donnés sous le soleil. » (Ecclésiaste 9,9)

Le livre des Proverbes, notamment dans le portrait de la femme vaillante (Pr 31,10–31), décrit une vie conjugale structurée par le travail, la collaboration et la confiance mutuelle.

Parmi ces rituels ordinaires, le repas partagé occupe une place centrale. Dans la tradition biblique, manger ensemble est un acte relationnel fort, structurant le temps et la communion :

« Vous mangerez là devant le Seigneur votre Dieu, et vous vous réjouirez, vous et vos familles. » (Deutéronome 12,7)

Le couple est ainsi appelé à faire de la table un lieu de mémoire, de gratitude et de lien.

3. Les rituels de la sexualité conjugale : renouveler l’alliance

La sexualité conjugale est présentée dans la Bible comme un acte profondément symbolique et relationnel. Le vocabulaire biblique parle de « connaître », soulignant la dimension personnelle et unifiante de l’union : 

« Adam connut Ève, sa femme. » (Genèse 4,1)

Dans le Nouveau Testament, l’apôtre Paul insiste sur la réciprocité et le don mutuel des corps :

« Que le mari rende à sa femme ce qu’il lui doit, et que la femme agisse de même envers son mari. » (1 Corinthiens 7,3)

Le Cantique des cantiques développe une véritable ritualité du désir : paroles amoureuses, recherche de l’autre, célébration du corps et alternance entre absence et présence. Il montre que la répétition des gestes et des paroles nourrit l’intensité du lien :

« Que mon bien-aimé vienne dans son jardin, et qu’il mange de ses fruits choisis ! » (Ct 4,16)

« Mon bien-aimé est à moi, et je suis à lui ; il paît son troupeau parmi les lis. » (Ct 2,16)

4. Les rituels de crise, de pardon et de restauration

La Bible ne cache pas la fragilité des couples. Dès la chute, Adam et Ève font l’expérience de la rupture, de la honte et de l’accusation mutuelle (Gn 3). Pourtant, la relation n’est pas abolie : elle est appelée à être réparée.

Le prophète Malachie rappelle la dimension sacrée et engageante de l’alliance conjugale :

« Le Seigneur a été témoin entre toi et la femme de ta jeunesse […] elle est ta compagne et la femme de ton alliance. » (Malachie 2,14)

Dans le Nouveau Testament, le pardon devient un véritable rituel relationnel, capable de recréer le lien :

« Pardonnez-vous réciproquement, comme Dieu vous a pardonné dans le Christ. » (Éphésiens 4,32)

Le pardon agit ici comme un acte performatif : il marque un avant et un après dans l’histoire du couple.

Conclusion

La Bible présente le couple comme une réalité profondément rituelle : alliance fondatrice, gestes quotidiens, sexualité unifiante, paroles de bénédiction, pardon restaurateur et fidélité dans le temps. Ces rituels, qu’ils soient ordinaires, constitutifs ou performatifs, permettent au couple de demeurer vivant, de traverser les crises et de s’inscrire dans une histoire plus large que lui-même.

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